Cité(s) dans le texte à Aulnay-sous-Bois – Résidence
Cité(s) dans le texte à Aulnay-sous-Bois
En résidence à l’école d’Art Claude Monet
Depuis un an, nous explorons un territoire en mutation à travers ses habitants. Un territoire marqueur des temps modernes. Il a été la destination d’un exode rural, a connu le fordisme[1] avec l’usine Citroën/PSA ouverte en 1973, la course à la consommation de masse, le chômage, les initiatives citoyennes comme le collectif des mères « Femmes capables » suite aux émeutes de 2005, et enfin la destruction des grands ensembles construits dans les années soixante dont le plus emblématique d’Aulnay, le Galion, va être démoli au printemps 2019.
En tant qu’artistes et à travers une collecte de photographies et de récits, nous souhaitons restituer un peu de la vie de la Cité de l’Europe et de la Rose-des-Vents.
Loin des simplifications véhiculées parfois par les médias, nous voulons renouer avec la complexité d’une matière vivante qui ne prétend ni à l’exemplarité ni à l’exhaustivité. Le genre du portrait, photographique et littéraire, nous a semblé le meilleur passeur d’histoires.
Prendre le pouls du territoire sur celles et ceux qui le vivent.
Donner la parole aux femmes et aux hommes qui l’ont peu pour donner à sentir un espace qui est celui des luttes, du travail, des colères et des attaches.
Un territoire qui colle parfois excessivement à la peau au point de ne pouvoir en sortir jusque dans le regard des autres.
Un territoire qui ne rompt pas avec hier, qui intègre le pays laissé derrière soi, l’imprègne de sa nostalgie. Hier est le socle de la vie d’ici. C’est ce que nous racontent ces images prises avant l’exil en France.
Le territoire d’ici a été pour certains celui de l’accès à la modernité, au confort, et plus tard, à partir des années quatre-vingt dix, du sentiment de déclassement.
Le territoire de la famille et du deuil. Du travail acharné et d’une retraite paisible. D’un célibat et d’un engagement. De la peur et de la survie. D’années d’étude et d’envol.
Le territoire d’ici est aussi le lieu où se tissent dans l’ombre des liens fraternels. Les femmes y prennent toute leur part. Elles composent avec ce territoire dont les lignes de faille peuvent parfois leur faire peur pour leurs enfants dont l’éducation est leur priorité.
Des grands ensembles aux logements pavillonnaires, ce territoire est le lieu des gens debout. Un réservoir d’histoires humaines inouïes et d’une énergie rare que nous avons souhaité partager.
Que les femmes, les hommes, de tous âges et de toutes conditions, qui se sont ouverts à nous se sentent ici reconnus et profondément remerciés.
Caroline Boidé, écrivain / Laure Vasconi, photographe
Journal édité par la ville d’Aulnay-sous-Bois
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